Séance du 8 octobre avec Alain Mascarou, écrivain, traducteur ; à partir de son ouvrage Lecture, éd. Manucius, 2017.
Présentation de la séance
Dans Le Conflit des interprétations, Paul Ricœur pose la question de « la paternité comme désignation » : « ce sont des figures non parentales qui, par leur action de rupture, brisent la coque de littéralité de l’image du père et libèrent le symbole de la paternité et de la filiation […] les expressions terminales du symbolisme restent pour autant en continuité avec les formes initiales dont elles sont en quelque sorte la reprise à un niveau supérieur ».
Or c’est le rôle que joue la traduction, dont le passage d’une langue à l’autre qui remet en prise avec l’oralité et avec l’impulsion première de l’auteur. Ce retour à la naissance du texte peut conduire celui qui lit en traducteur à découvrir sa vocation d’écrivain. Dans ce mouvement de relance, le traducteur ré-origine le texte, reprend le motif de sa propre origine, l’explore, la recrée, au croisement des langues et des littératures, voire de ces langues enfouies dont l’écoute de l’étranger réanime en lui le souvenir. Je fais cette hypothèse : la langue de l’aîné électif (15 ans nous séparaient), Bilge Karasu (1930-1995), que je traduis du turc, me ramène au père de l’état-civil et à la langue oubliée, l’occitan du père, comme s’il avait fallu ce séjour à l’étranger pour me faire accepter ce premier étranger, mon père, et avant d’accepter d’être père et auteur : cf. la dédicace de Lecture, « à mes filles ». S’y mêlent d’autres intercesseurs, Nerval, et, comme un avant-texte perdu, le grand-père mutique parti pour São Paulo à 4 ans et revenu en Bigorre sans son père à 12 ans : autres symbolisations de la figure du père réconcilié, avant d’être effacé par le geste même de l’écriture. AM.
Alain Mascarou, né dans les Pyrénées en 1945, a résidé en Turquie et vit à Paris. Il a placé son travail sous le signe de l’étrangeté en partage : après un essai sur la revue d’art et de poésie L’Éphémère, qui fut à la croisée des exils (1998), essai précédé et prolongé d’études sur Louis-René des Forêts, Christian Dotremont, Claude Esteban, Philippe Denis…, il s’est attaché à l’œuvre frontalière de Silvia Baron Supervielle. Il traduit du turc Mehmet Yashin (Constantinople n’attend plus personne, 2008 ; La Rencontre de Sapho et Rûmî, 2014) et Bilge Karasu (La Nuit, 1993, 2019, Le Guide, 1998, Au Soir d’une longue journée, 2019), dont il a édité une correspondance (Lettres à Jean et Gino, 2013) suivie d’une monographie (Bilge Karasu, l’étranger de l’intérieur, 2016). Dernières parutions : Philippe Denis, une libre infortune (dir., avec Christine Dupouy et Fabrice Schurmans, 2017), Lecture (2017).
Présentation du séminaire
En quoi, selon quelles modalités, avec quels enjeux et jusqu’où l’écriture concerne-t-elle et implique-telle
spécifiquement les psychanalystes, ainsi que tous les cliniciens qui se réfèrent à la psychanalyse, dans
leurs pratiques et dans leurs recherches ?
L’écriture a été fondatrice dans l’invention freudienne de la psychanalyse, des Lettres à Fliess au
modèle du bloc-notes magique, de l’écriture de cas à l’élaboration de la métapsychologie, en passant par
l’écriture historienne et l’approche « impliquée » de l’écriture. Qu’elle soit source d’inhibition ou de plaisir,
support ou espace du penser, à usage intime ou à vocation publique, « potentielle » ou effective, l’écriture
reconvoque aujourd’hui encore le geste freudien, pour tout clinicien fondant et interrogeant sa pratique
clinique dans la référence à la psychanalyse – à ce titre intrinsèquement chercheur.
Le séminaire prévoit à chaque séance un temps de présentation et un temps égal de discussion et
d’échanges entre les participants. Nous inviterons tantôt des psychanalystes qui écrivent, tantôt des écrivains
ou des essayistes qui donnent à penser le rapport intrinsèque de la psychanalyse à l’écriture. Loin de la
tradition de la « psychanalyse appliquée », nous privilégierons la dimension analysante de l’œuvre.
Ouvert aux doctorants, jeunes docteurs et étudiants de Master de SPC, aux enseignants-chercheurs et aux analystes.
Le séminaire a lieu le 2ème jeudi du mois (sauf exception), hors vacances scolaires.
Une participation régulière au séminaire est souhaitée et une pré-inscription est demandée pour les nouveaux
participants : jfchant@wanadoo.fr ou fr.neau@free.fr
Prochaine séance
Le 12 novembre avec Philippe Réfabert, psychanalyste.